Dans cet article, nous partons avec l’architecte DP Kailas Moorthy à la découverte de la manière dont la communauté a influencé la conception de Bonnevaux, depuis les instructions de départ jusqu’à l’aspiration à construire une maison pour la Communauté mondiale pour la méditation chrétienne, en passant par la conviction des architectes DP que la communauté est l’une des pierres angulaires d’une conception du bien-être.
- Comment la définition du sens de la communauté influe-t-elle sur l’architecture de Bonnevaux ?
Chez DPA, nous pensons que le fait de modeler les lieux que nous créons pour favoriser un sentiment de Communauté est la base d’une conception du bien-être. Cela implique de concevoir des lieux ouverts à tous, où l’on se sent à l’aise, pris en charge et partie prenante de quelque chose de plus grand que soi. Si nous avons la certitude de ne pas y être étrangers en raison de ce que nous sommes ou de ce que nous avons choisi d’être, nous serons plus enclins à répartir notre énergie pour nous protéger et obtenir des fruits plus gratifiants. Ces fruits pourraient peut-être profiter à la communauté. Si nous avons le sentiment de faire partie d’une communauté, nous aurons tendance à entretenir l’infrastructure de cette communauté : couper l’herbe, réparer le rebord de la fenêtre. En fin de compte, cet état d’esprit et ces habitudes permettront d’entretenir, d’apprécier et surtout d’entretenir cette structure.
Notre client à Bonnevaux est la WCCM (The World Community for Christian Meditation : la Communauté mondiale pour la méditation chrétienne). C’est inscrit dans leur nom : la WCCM est une communauté et à Bonnevaux, nous fournissons une maison à cette communauté.
- Quels sont les grands principes en jeu ici ?
La WCCM fait la promotion de la paix à de nombreux niveaux : du niveau interne et local au niveau mondial et géopolitique. En réponse à cela, les concepts de la conception de la retraite ont été conçus par une philosophie d’un mode de vie pour une vie saine et digne de ce nom. Ils ont été renforcés par la conviction que la méditation peut faciliter des pauses dans l’emploi du temps trépidant d’aujourd’hui et que, par cette pratique quotidienne, nous trouvons l’espace nécessaire pour découvrir un sens.
Pour compléter la philosophie de nos clients, notre ambition a été de créer des lieux qui favorisent le bien-être. DP Architects a formulé un ensemble de paramètres de conception permettant de créer des espaces qui influencent notre comportement physique et notre attitude mentale, et améliorent notre sentiment de bien-être. Ces principes sont classés en quatre piliers clés, dont l’un est la communauté : concevoir des lieux inclusifs pour tous, où nous nous sentons à l’aise et pris en charge, des lieux que nous aurons davantage tendance à préserver.
Ce pilier guide la conception afin de faciliter des espaces et des lieux qui stimulent la formation et le développement de communautés durables et réceptives. Le sentiment d’appartenir à une communauté nous permet de nous sentir mieux. Si nous nous entourons de personnes dont nous nous soucions et qui se soucient de nous, et si nous occupons des espaces où nous nous sentons à l’aise, cela améliore notre sentiment de bien-être.
Cela se traduit à Bonnevaux par l’intégration d’espaces qui favorisent des activités de groupe et des moments de formation, ainsi que des espaces de remise en forme physique et mentale qui peuvent être vécus en groupe. Ces espaces doivent développer un sentiment d’appartenance, de sécurité et d’égalité entre leurs utilisateurs, ce qui conduit à une culture du partage qui anime et nourrit la communauté.
À la communauté s’ajoutent trois autres piliers de la conception. Il y a la biophilie, le lien avec la nature, obtenu en apportant de la verdure à l’intérieur ou en créant des liens visuels et physiques avec l’extérieur, ce qui apporte un sentiment de bien-être ; l’hapticité, un lien d’attention à tous nos sens qui nous permet d’expérimenter le spectre complet de la vie et, grâce à ces associations, de mieux comprendre les autres ; et enfin, peut-être le plus important : la contemplation – un design radicalement simple crée un espace qui incite à la fois à la relaxation et à l’effort concentré, ce qui signifie que nous pouvons donner le meilleur de nous-mêmes tout en restant ouverts au soin de nous-mêmes et des autres. Fabian Pfortmüller, du Together Institute, décrit ainsi la communauté :
“Un sentiment de fraternité avec les autres, résultant du partage d’attitudes, d’intérêts et d’objectifs communs. Un groupe de personnes qui se soucient les unes des autres et qui ont le sentiment d’appartenir à un même groupe.”
À Bonnevaux, certains espaces offrent de l’intimité pour des moments de réflexion personnelle et de calme intérieur. D’autres favorisent le dialogue et les activités communes, où les occasions de rencontres fortuites et l’éclosion de nouvelles amitiés permettent de forger une communauté résiliente, réceptive et cohésive.
- Pouvez-vous nous donner un exemple afin que nous puissions comprendre comment ces piliers de conception sont mis en pratique ?
Chacun de nos quatre piliers de conception s’accompagne d’un ensemble de facteurs qui expliquent comment ces ambitions peuvent être réalisées.
Par exemple, dans le cadre du pilier communauté, le facteur lisibilité exige une signalisation claire, conviviale et vivante pour maximiser la lisibilité et la facilité d’utilisation des espaces. Ainsi, les déplacements dans ces espaces sont clairs pour tous, ce qui signifie que nous ne sommes pas stressés et que nous nous sentons bien lorsque nous arrivons à destination.
Dans le cadre de la stratégie d’orientation de Bonnevaux, notre approche a consisté à utiliser un minimum de signalisation, tout en offrant une clarté de parcours sur le site pour les nouveaux arrivants. Grâce au positionnement du site des écuries (au centre de Bonnevaux) et à son porche central qui encadre l’axe central du site, les hôtes disposent d’un passage clair et intuitif vers le premier point d’accueil de la réception principale (située dans les écuries). La première impression compte. Créer un accueil chaleureux, accueillant et sans stress à la retraite de méditation de Bonnevaux était essentiel pour permettre aux nouveaux arrivants de comprendre qu’il s’agit d’un lieu qui favorise un sentiment de sécurité pour s’enrichir, guérir et grandir.
- Y a-t-il des réalités qui ont compromis la réalisation d’une communauté saine ?
L’abbaye étant un bâtiment ancien, le son traverse toutes les fissures existantes. Même dans une communauté qui maintient un certain niveau de calme et de silence, le bruit peut toujours compromettre la recherche de paix. Et l’atmosphère de silence peut parfois amplifier les sons indésirables qui surviennent.
Des études sur des communautés, en particulier celles où l’on vit ensemble et où l’on est donc exposés les uns aux autres toute la journée (comme c’est le cas des communautés de cohabitation dont la popularité ne cesse de croître), ont montré que la désignation d’espaces privés et la possibilité d’être seul deviennent encore plus essentielles, car sans cela, de nombreux membres commencent à se sentir envahis et dérangés par leurs voisins.
Les forces d’isolement en cette période de Covid19 et de “distanciation sociale” nous rappellent que le contact social est crucial pour maintenir un sentiment de bien-être émotionnel. Mais l’inverse est également vrai : nous avons besoin de possibilités d’intimité et d’isolement pour favoriser la réflexion sur soi. Le travail en profondeur et, en fin de compte, les moments d’investissement sont plus appréciés. Cette atteinte de sons indésirables a réaffirmé l’importance du calme et de l’intimité.
Entendre un voisin taper sur un clavier ou parler à un autre est gênant pour les deux parties : l’une est interrompue dans ses pensées, l’autre a le sentiment que son intimité a été envahie.
Le bruit affecte la capacité de concentration, mais surtout la qualité du sommeil, à la base du bien-être. Une mauvaise nuit de sommeil peut sérieusement compromettre notre énergie et notre aptitude à nous investir affectivement et adéquatement avec les autres le jour suivant, ce qui crée des tensions dans la communauté.
(Pour les écuries et le village contemplatif, étant donné qu’il s’agit d’aménagements intérieurs complets de bâtiments extérieurs et de nouvelles constructions, nous n’aurons pas les mêmes problèmes acoustiques que ceux créés par les structures internes existantes de l’abbaye).
- En quoi cette Communauté de Bonnevaux est-elle unique par rapport aux autres projets sur lesquels vous avez travaillé ?
Là encore, le nom de notre client laisse entrevoir l’un des aspects uniques de ce projet. Les deux premiers mots du titre de la WCCM sont Communauté mondiale. La WCCM est, à la base, une communauté mondiale.
Vasudhaiva Kutumbakam signifie “le monde est une seule famille“ en sanskrit, d’après les traditions védiques des Upanishads : nous sommes tous reliés. Dans la conception du bien-être, la prise de conscience de cette co-dépendance peut conduire à un sentiment d’appartenance, de bien-être et éventuellement nous encourager à mieux prendre soin de la planète sur laquelle nous vivons tous. Le monde est une famille ; le monde est notre maison.
Cette communauté mondiale est partout et ce lieu, Bonnevaux, est simplement la manifestation de sa maison ; un lieu qui accueille tout le monde et offre à tous l’opportunité de se rencontrer en présence.
Ironiquement, en cette période de Covid19, bien que les travaux de construction progressent, Bonnevaux existe en tant que représentation virtuelle, visible à travers les médias sociaux ou les plateformes de vidéoconférences pour la plupart des personnes qui ne peuvent pas être physiquement présentes en raison des interdictions de voyager et des consignes de rester chez soi. À côté de cette interface, une communauté résidentielle vit réellement à l’abbaye. Elle y vit dans l’esprit de la Règle de Saint-Benoît, avec des bénévoles venus de nombreuses parties du monde. Le Covid19 signifie que, pour l’instant, je ne suis pas autorisé à visiter le site de construction :
je ne peux faire l’expérience de Bonnevaux que visuellement via mon moniteur et acoustiquement via ses haut-parleurs intégrés *.
Cela m’a rappelé qu’une fois le centre de méditation et de retraite ouvert, les membres et les invités feront l’expérience du lieu de deux manières très distinctes. Tout d’abord, ceux qui y seront présents physiquement s’engageront avec toute leur hapticité, par exemple en ressentant dans la grange la chaleur tactile du plancher en bois sur lequel ils sont assis, jambes croisées, en méditation. Le second groupe, qui assiste à des conférences virtuelles, fera l’expérience du calme visuellement épuré des espaces et de la clarté acoustique du système audiovisuel. Il est crucial que nous, les architectes, concevions les deux : les “briques et le mortier” pour ceux qui seront présents en personne, et que nous tenions compte des besoins de ceux qui ne s’engageront jamais dans ces espaces qu’à travers les médias sociaux, par des photos ou des vidéoconférences.
* MISE À JOUR : Bonnevaux est désormais ouvert aux courts et longs séjours avec la mise en place d’un protocole COVID. L’ouverture officielle du centre de retraite est prévue pour mars/avril 2022.)